Foire Aux Questions
A. GÉNÉRALITÉS
L’idée est venue de la Fondation ECIT, un groupe de réflexion sur la citoyenneté européenne, qui a établi des lignes directrices sur cette citoyenneté transnationale des droits, la participation et l’appartenance. Chaque année, l’ECIT organise une conférence qui rassemble des activistes de la société civile, des chercheurs et des responsables politiques. Un consensus s’est dégagé lors de ces évènements sur la nécessité d’une réforme qui rendrait la citoyenneté européenne plus populaire et plus résistante afin de garantir que la liberté de circulation s’accompagne de pleins droits politiques et pas seulement partiels.
Les citoyens européens ont le droit de voter et de se présenter comme candidats aux élections locales et européennes, mais pas aux élections régionales et nationales ni de participer aux référendums dans leur pays de résidence. Ces droits électoraux partiels pour les citoyens européens ne sont pas adaptés et la Commission européenne a au moins reconnu qu’ils devaient être réformés. Nous pensons toutefois que ces droits resteront sous-utilisés tant que les citoyens européens n’auront pas le droit de voter ni de se présenter aux élections qui comptent vraiment : les élections nationales. Nous soulignons également que, dans la mesure où la citoyenneté européenne a été créée par le traité de Maastricht en 1992 en tant que première étape d’un processus évolutif, il est grand temps d’envisager d’ajouter de nouveaux droits.
La prise en compte de la mobilité transnationale dans le processus démocratique est un défi pour les États membres de l’UE, et pour cette raison, l’objectif final à atteindre est un vrai suffrage universel européen. 4 options différentes doivent être comparées :
a) Les citoyens européens devraient demander la nationalité du pays membre dans lequel ils résident pour pouvoir voter aux élections nationales ;
b) Les citoyens européens devraient de toute façon avoir le droit de voter dans le pays où ils résident aux motifs de « pas d’impôts sans représentation » et de l’égalité de traitement avec les nationaux ;
c) Ils devraient conserver le droit de vote dans leur pays d’origine et en aucun cas ils ne devraient être privés de leur droit de vote juste parce qu’ils ont fait usage de leur droit européen de liberté de circulation ;
d) Ils devraient pouvoir choisir entre les options b) et c) au même titre qu’ils utilisent le droit existant de participer aux élections municipales et européennes.
Nous préférons l’option d).
B. POURQUOI UNE INITIATIVE CITOYENNE EUROPÉENNE (ICE) ?
Le droit des citoyens européens de lancer une initiative citoyenne européenne a été introduit par le traité de Lisbonne en 2009 et fait partie du chapitre sur la citoyenneté de l’Union et sur la non-discrimination. Il est donc juste d’utiliser cet instrument. Revendiquer un nouveau droit européen n’est jamais facile ! Les droits politiques sont l’étalon-or de toute citoyenneté et la passerelle pour défendre tout autre droit ou en obtenir de nouveaux. Cependant, seulement 6 % des ICE lancées jusqu’à présent ont atteint l’objectif de 1 million de signatures et beaucoup n’ont pas réussi à franchir le premier obstacle, ne pouvant recueillir une seule signature, car la Commission les jugeait en dehors de ses compétences juridiques. Lorsque vous obtenez le feu vert, le comité de citoyens dispose d’un an pour recueillir les signatures en atteignant les seuils minimaux dans au moins 7 des 27 États membres. Une ICE précédente, « Let me vote », n’avait pas réussi à obtenir suffisamment de signatures. Depuis lors, toutefois, le processus s’est simplifié grâce au nouveau Règlement (UE) 2019/788 en vigueur depuis le 1er janvier 2020.
Les exigences nationales en matière de déclarations de soutien diffèrent toujours, mais elles ont été simplifiées et moins d’informations vous sont demandées lorsque vous signez. La Commission met à disposition gratuitement un serveur sécurisé pour la collecte des signatures qui garantit pleinement la sécurité de vos données personnelles. Un forum ICE pour conseiller les organisateurs a été mis en place. Le forum nous a permis de recevoir des conseils sur la base juridique de notre proposition, la campagne et la collecte de fonds. Notre équipe a participé à des webinaires ainsi qu’à des sessions de formation avec le forum. Les conseils que nous avons reçus ainsi que les notes d’orientation générale ont été utiles. Tout comme d’autres organisateurs d’ICE, nous avons également bénéficié de contacts informels avec des fonctionnaires de l’UE. Des associations européennes spécialisées, telles que Democracy International et The Good Lobby nous ont été d’un grand soutien. Nous recommandons à tous ceux qui envisagent de lancer une ICE de participer à des conférences qui rassemblent des acteurs de cet instrument transnational de démocratie participative, par ex., aux journées de l’ICE organisées chaque printemps par le Comité économique et social européen.
Nous avons suivi une démarche inhabituelle. L’ECIT a participé à un projet organisé par European Alternatives à l’approche des élections européennes de mai 2019, impliquant des caravanes de jeunes en tournée dans toute l’Europe. C’est ce genre de projet qui a conduit à un taux de participation record en 20 ans, en particulier chez les jeunes électeurs. Lors de notre Conférence annuelle de 2019, les jeunes ont suggéré qu’on leur confie l’ICE. Il était logique de demander à la nouvelle génération de prendre les choses en main.
La mise en place et la gestion d’une ICE sont une forme avancée d’éducation active à la citoyenneté européenne. Pour réussir, vous devez prendre des initiatives et faire preuve de créativité tout en respectant les exigences réglementaires. Ceux qui passent par le processus non seulement en savent beaucoup plus sur le fonctionnement des institutions de l’UE et des processus décisionnels, mais acquièrent également une connaissance culturelle plus large des autorités publiques et de la société civile dans les États membres. Le processus de gestion d’une ICE requiert des capacités à effectuer plusieurs tâches à la fois ainsi que des compétences de recherche, de communication et des aptitudes à défendre ses intérêts. L’ECIT a recruté un groupe de travail d’étudiants Erasmus qui a d’abord travaillé dans nos bureaux en open space, proches du Parlement européen, puis à distance lorsque la pandémie et les restrictions en matière de déplacement ont mis fin à toute forme de travail collectif dans un espace commun.
C. QUELS SONT LES PROGRÈS JUSQU’À CE JOUR ?
Nous avons soumis l’ICE en janvier 2020 et avons attendu qu’elle soit enregistrée. La décision de la Commission (C(2020)1298, version définitive du 4 mars) était très encourageante puisqu’elle a conclu que toutes nos demandes relevaient de sa compétence juridique. Ensuite, une période préparatoire de 6 mois a suivi avant le lancement le 1er septembre. Pouvoir décider de la date de lancement avec la Commission est un avantage.
Le processus est transparent. Si vous allez sur le portail de l’ICE et cliquez sur « Soutenir Électeurs sans frontières », vous pouvez voir quelles sont nos revendications. De là, vous pouvez voir comment les signatures sont collectées dans l’UE. Notre expérience a été largement positive, même s’il aurait pu être fait davantage pour soutenir les organisateurs et mieux faire connaître les ICE. Il y a eu des améliorations réglementaires et techniques, mais la culture administrative de la Commission, à laquelle cet instrument s’adapte mal, doit encore suivre.
Les questions de suffrage universel et de droit de vote doivent clairement être débattues. Il ne s’agit pas d’une simple question populaire qui apporte des avantages immédiats aux personnes ni d’une ICE à signer par simple clic de souris. En théorie, les ICE devraient encourager le débat au-delà des frontières ainsi que la création d’une sphère publique européenne. Le groupe de travail a été pénalisé par les interdictions dans toute l’Europe d’organiser des évènements en face à-face et même « hybrides », tout devant se faire en ligne. Nous avons dû nous mettre d’accord avec la police, par exemple, pour reporter les évènements en plein air prévus devant le Parlement européen à Bruxelles après notre évènement de lancement le 1er septembre 2020. Un seul a eu lieu le 15 décembre. Si nous décidons d’organiser de tels évènements en 2021, les procédures resteront probablement complexes afin de garantir la distanciation sociale. En raison de l’impact de la pandémie, la Commission nous a accordé plus de temps pour recueillir les signatures. La date limite fixée au 11 septembre a été reportée au 11 décembre 2021.
Oui, en effet, il y a maintenant toute une vague de mouvements de campagne en faveur de droits politiques et de changements dans les pratiques électorales, justement à cause de la pandémie. Accepter des restrictions à nos libertés fondamentales de circulation et de rassemblement ne devrait pas se faire au détriment de nos droits politiques et de la bonne santé de nos démocraties. Le débat s’est construit sur des réformes qui visent à faciliter le choix du moment, de l’endroit et du mode de vote d’un individu : cela se reflète dans un rapport de 35 pages du groupe de travail. À cause de la COVID-19, certaines élections ont été reportées, d’autres ont été maintenues dans des circonstances difficiles. Il est clair qu’il faudra désormais recourir davantage au vote par correspondance et électronique, mais cela soulève également des questions sur la fraude électorale. Nous estimons par conséquent que le moment est venu d’introduire des réformes. Le rapport annuel 2020 rédigé par l’organisation V-Dem montre que la balance penche en faveur des régimes autoritaires à travers le monde, mais aussi que les manifestations en faveur de la démocratie se multiplient
D. Y A-T-IL EU DES SUCCÈS ?
Le groupe de travail a remporté des succès dans chaque tâche principale de chaque ICE :
- Recherche. Le groupe de travail a su s’appuyer sur le travail préparatoire effectué par la fondation ECIT et a appris de ses administrateurs. Des preuves de privation du droit de vote ont été recueillies auprès d’individus pour étayer les arguments en faveur des réformes proposées et des exemples des meilleures et des pires pratiques ont été recueillis à partir d’élections récentes.
- Communication. Plus de 700 groupes Facebook de citoyens européens vivant dans un autre État membre que leur pays d’origine ont été contactés, et un partenariat rassemblant plus de 50 organisations nationales et européennes a été établi. Plus d’une douzaine de MPE ont participé à des évènements en ligne organisés en 2020.
- Promotion. Si une ICE est un instrument pour définir l’agenda, le groupe de travail fixe déjà l’agenda avant même d’arriver à la fin du processus ! Dans son programme de travail législatif pour 2021, la Commission a admis la question concernant la réforme des directives de vote et de présentation aux élections municipales et européennes. Son rapport 2020 sur la citoyenneté publié le 15 décembre va encore plus loin en reconnaissant le problème de la privation du droit de vote aux élections nationales.
Notre principal handicap est que la sensibilisation du grand public aux ICE est extrêmement faible. Communiquer sur cet instrument de démocratie participative au-delà du public limité des réseaux européens et des parties prenantes se heurte vite à un plafond de verre. Ceci est particulièrement le cas pour un groupe de travail qui n’est pas un lobby disposant de ressources suffisantes, même si la création de réseaux parmi les étudiants Erasmus offre le potentiel pour surmonter les obstacles. La sphère publique, notamment en ce qui concerne les questions de démocratie, reste principalement nationale. Pour cette ICE, il n’existe aucun réseau prêt à l’emploi d’associations nationales puissantes qui partagent les mêmes idées, pour collecter les signatures. Le droit de vote et les questions de démocratie représentative ne sont pas en vogue auprès des donateurs, et beaucoup les considèrent comme trop politiques. L’accent est mis sur ce qu’il se passe entre les élections et les projets de démocratie participative ou d’assemblées de citoyens. Les deux modèles de démocratie sont importants et devraient se compléter, mais en fin de compte, c’est toujours le modèle représentatif qui l’emporte.
En 2020, une base solide de soutien a été créée pour notre initiative à la Commission et au Parlement européen ainsi que parmi les acteurs européens. En 2021, nous devons porter la question des droits de vote au-delà du champ limité des réseaux européens, créer un réseau de correspondants nationaux dans l’UE des 27 et mettre en place des groupes de campagne dans les grandes villes. Des médias européens de premier plan ont fait état d’Électeurs sans frontières, notamment The Economist, le Süddeutsche Zeitung et La Vanguardia ainsi que plusieurs revues européennes en ligne. Cependant, le groupe de travail devra créer davantage d’anecdotes et d’activités pour attirer beaucoup plus l’attention des différents médias. Les citoyens européens qui résident et travaillent dans d’autres États membres ou en dehors de l’UE sont ceux qui bénéficient le plus de nos propositions, mais ils sont également dispersés et difficiles à atteindre en tant que groupe. La cartographie des groupes Facebook déjà réalisée crée ici une plateforme pour utiliser davantage les réseaux sociaux. Nous devons aussi nous connecter à un public plus large de jeunes qui considèrent la liberté de circulation et les droits européens associés comme importants pour leur avenir. Si nous obtenons plus d’un million de signatures, il y aura une réunion avec la Commission qui sera alors obligée de prendre position par rapport aux revendications à travers une communication publique et une audition au Parlement européen.
E. QU’EST-CE QUE L’ICE PROPOSE POUR RÉFORMER LES DROITS EXISTANTS ET LES ÉTENDRE ?
La Commission, déjà attachée à cet objectif, « aurait la compétence pour adopter une proposition d’acte juridique… sur la base de l’article 22 TFUE » (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – décision du 4 mars). Dans la pratique, cela signifie réviser les directives 93/109/CE et 94/80/CE sur les élections européennes et municipales qui remontent à la période immédiatement après le traité de Maastricht. Ces directives sont rédigées de manière trop vague et ne permettent pas de respecter correctement les différences nationales dans l’organisation des élections. De toutes les directives et tous les règlements relatifs à la liberté de circulation, ce sont celles qui fonctionnent le moins bien. Bien que le rapport de la Commission sur les élections européennes de 2019 ne donne pas de chiffres complets sur le taux de participation des citoyens européens mobiles, on estime qu’environ 10 % seulement ont voté dans leur pays de résidence et 20 % dans leur pays d’origine, et très peu se sont présentés aux élections. Cependant, quand on les interroge, la plupart des citoyens préféreraient voter dans leur pays de résidence : ce contraste avec ce qui se passe réellement suggère qu’il existe des obstacles importants à cela. Les histoires que nous avons recueillies soulignent que beaucoup n’ont reçu aucune information sur leur droit de vote, ont reçu l’information trop tard ou n’ont pas réussi à s’inscrire à cause des procédures administratives. Le faible taux de participation persistant aux élections européennes du groupe, sans doute le plus concerné par celles-ci, est un signal qui indique que la législation ne fonctionne pas à un moment où la participation générale a augmenté pour la première fois en 20 ans pour atteindre plus de 50 % et davantage chez les jeunes.
Elles sont énoncées dans le rapport de 35 pages. En voici les grandes lignes :
- Obligations claires des autorités électorales de fournir des informations personnalisées et générales aux citoyens européens. Ces informations doivent être fournies en temps opportun et des mesures doivent être prises pour supprimer les obstacles administratifs et autres à l’inscription des électeurs. L’inscription devrait être automatique, même si les citoyens auraient toujours le choix de revenir voter dans leur pays d’origine. Des réformes similaires devraient s’appliquer aux candidats.
- Création d’un centre d’aide dédié aux droits électoraux transfrontaliers. De la même manière que les États-Unis disposent d’un programme fédéral d’aide électorale, l’UE devrait mettre en place un centre de convergence pour l’information, le conseil et la résolution des problèmes. Les mécanismes existants tels que SOLVIT sont de bons modèles, mais les droits politiques relèvent d’un domaine spécial. Les autorités électorales travaillent déjà avec la Commission. Si elles arrivent à lutter contre le vote double, la fraude électorale et les cyberattaques contre le processus démocratique, elles devraient être capables de collaborer pour inciter les personnes à voter par-delà les frontières.
- Encouragement à partager et à diffuser les réformes pour faciliter le vote par-delà les frontières. En raison du besoin de concilier distanciation sociale en ces temps de pandémie et taux de participation élevé aux élections, le progrès en matière de vote électronique, par correspondance ainsi que d’autres formes de vote à distance figurent déjà à l’ordre du jour. De telles réformes sont particulièrement pertinentes pour les citoyens européens qui résident dans d’autres pays de l’UE ou ailleurs dans le monde.
Cependant, il ne suffit pas de changer la loi — il s’agit également de changer notre culture démocratique pour se mettre au niveau de la liberté de circulation et de l’ère du numérique.
En ce qui concerne notre objectif de donner aux citoyens européens le droit de vote à toutes les élections et tous les référendums dans leur pays de résidence ou d’origine, la Commission confirme dans sa décision du 4 mars qu’elle « aurait la compétence pour adopter une proposition d’acte juridique dans ce domaine sur la base de l’article 25 (2) TFUE ». Cet article (voir ci-dessus) montre que la citoyenneté européenne est un processus évolutif qui oblige la Commission à produire un rapport triennal et à présenter toute proposition de nouveaux droits. De telles propositions nécessitent l’avis conforme du Parlement européen, cela signifie que la Commission ne peut pas modifier la proposition mais seulement dire « oui » ou « non ». En outre, cela nécessite l’unanimité du Conseil des ministres ainsi que des procédures de ratification ultérieures dans certains États membres. La Commission doit encore avoir recours à cet article, ce qui est un processus moins lourd que de tenter de réviser les Traités.
Il se trouve que la Commission vient juste de publier son rapport sur la citoyenneté 2020, qui fait référence à notre ICE et au fait que 60 % des personnes consultées durant la période de préparation du rapport étaient favorables au vote transfrontalier aux élections nationales. C’est un pas en avant, bien qu’il n’y ait aucune mention d’élections régionales ni de référendums. Il se peut que la Commission privilégie une approche étape par étape à notre revendication de loi électorale européenne englobant le plein droit de vote.
F. LE PLEIN DROIT DE VOTE NE DEVRAIT-IL PAS ÊTRE RÉSERVÉ AUX NATIONAUX ?
Si, et dans une certaine mesure il est désormais plus facile de franchir cette étape dans l’UE, car la double nationalité entre les États membres est généralement autorisée. Cependant, il existe des situations au sein de l’UE et en particulier dans le reste du monde où la naturalisation entraînerait la perte de la nationalité du pays d’origine. C’est sûrement un prix trop lourd à payer pour obtenir des droits électoraux. Une autre objection est qu’au sein de l’UE, les procédures d’obtention de la nationalité sont très divergentes, reflétant souvent l’histoire et d’anciens liens coloniaux pour faire la distinction entre les étrangers plus ou moins bienvenus. Les conditions de naturalisation sont divergentes et exigent différents types de liens familiaux et des périodes de résidence antérieure allant de 5 à 12 ans. Accorder le plein droit de vote en fonction du statut de citoyen reviendrait à soumettre les personnes circulant librement à la loterie. Il n’y a aucune chance que les États membres soient prêts à harmoniser leurs conditions d’acquisition de la nationalité. En effet, alors que le traité de Maastricht prévoyait le droit de vote et d’éligibilité des citoyens de l’UE aux élections locales et européennes, une déclaration annexée au traité excluait de sa portée les questions de nationalité.
Vous pouvez penser à obtenir un passeport doré, mais c’est une solution envisageable seulement pour les 1 % les plus fortunés ! Rien n’indique que les citoyens européens choisiront cette solution pour obtenir leur droit de vote. La liberté de circulation est un facteur de dissuasion : de nombreux citoyens européens prévoient de passer un temps limité dans le pays d’accueil avant que leur carrière et les liens familiaux puissent les conduire dans plusieurs pays sans qu’ils aient besoin d’obtenir un permis de travail. La citoyenneté européenne elle-même est un autre facteur de dissuasion, car, à bien des égards, elle garantit tous les droits dont vous avez besoin, sauf les droits politiques. C’est même mieux que la double nationalité dans certaines situations, car elle offre la protection du droit européen pour résoudre les problèmes transfrontaliers plutôt que la protection de deux juridictions distinctes.
Alors, pourquoi demander la citoyenneté nationale alors que vous avez droit à l’égalité de traitement avec les citoyens de votre pays de résidence, lorsque les traités et la législation de l’UE vous donnent, à vous et à votre famille, le droit de résider, la reconnaissance de vos qualifications professionnelles et l’accès à la sécurité sociale et à d’autres avantages ? Le Brexit a démontré que ce problème du droit de vote ne sera pas résolu par la naturalisation, même lorsque la citoyenneté européenne elle-même est menacée. On a rapporté des augmentations des demandes de naturalisation parmi les citoyens du Royaume-Uni dans l’UE des 27 pour devenir citoyens irlandais ou allemands, par exemple, afin de conserver leur citoyenneté européenne. Cependant, les chiffres réels restent faibles avec seulement 1 % des 66 millions de citoyens britanniques ayant la nationalité d’un État membre de l’UE.
Un argument général en faveur de nos propositions est que le fait d’avoir le droit de vote à certaines élections, mais pas à d’autres, ne fonctionne pas et est une source de confusion réelle et en soi une raison du faible taux de participation. Les 13 millions de citoyens européens vivant dans un autre État membre ne représentent que 1 % de l’électorat, si bien que l’impact global de nos propositions serait faible pour un énorme pas en avant dans la démocratie européenne. Néanmoins, les schémas de libre circulation au sein de l’UE sont très inégaux : la libre circulation se concentre sur certaines trajectoires et grandes villes. L’impact peut également être plus important pour les petits pays avec une grande diaspora. Malgré tous leurs défauts, les directives couvrant les droits existants ont montré qu’il était possible de prendre en compte ces effets inégaux et de prévoir des garanties, par exemple lorsque les citoyens européens représentent plus de 20 % de la population. Nos propositions sont donc réalisables.
Une autre leçon importante à tirer des directives existantes est qu’elles permettent de choisir entre voter dans son pays de résidence ou dans son pays d’origine tout en évitant le double vote. Le choix est un allié dans notre objectif d’obtenir le suffrage universel. Pour ceux qui affirment que les citoyens européens nouvellement arrivés ne sont pas suffisamment intégrés pour voter là où ils vivent, la réponse peut être que ces citoyens votent dans leur pays d’origine. Pour ceux qui, dans leur pays d’origine, disent que les citoyens européens qui sont partis sont trop déconnectés des réalités politiques pour voter ici, la réponse peut être que ces citoyens votent dans leur pays de résidence. Le choix limite également l’impact de l’extension du suffrage sur des régions ou pays particuliers, et le partage au-delà des frontières. Dans la pratique, de nombreux citoyens européens continuent à s’informer de ce qu’il passe dans leur pays d’origine et participent à la vie publique là où ils vivent grâce aux médias transfrontaliers, à Internet et à l’abaissement des barrières linguistiques. À l’avenir, les directives relatives au droit de vote et à l’éligibilité aux élections locales et européennes fondées sur le principe de reconnaissance mutuelle des droits électoraux pourraient devenir un modèle pour le reste du monde et progresser vers le suffrage universel. La réforme des directives existantes afin qu’elles fonctionnent correctement est donc importante au-delà des personnes directement concernées.
G. QUELS SONT LES ARGUMENTS EN FAVEUR DE L’EXTENSION DES DROITS EXISTANTS ?
Notre document de référence soumis avec l’ICE et traduit dans toutes les langues de l’UE disponible sur le portail de l’ICE contient nos principaux arguments que le groupe de travail d’étudiants Erasmus a ensuite développés dans son rapport de 35 pages traduit en français et en allemand. Les rapports des évènements et des conférences disponibles sur le site Internet Électeurs sans frontières contiennent des informations plus détaillées.
L’extension les droits électoraux des citoyens européens des élections locales aux élections régionales rattraperait les évolutions qu’il y a eu depuis la signature du traité de Maastricht il y a 27 ans. Les villes et les régions deviennent de plus en plus importantes et les autorités locales se voient davantage impliquées dans les prises de décision afin de parvenir à des systèmes intégrés et des économies d’échelle. Cela devrait être reconnu dans la révision de la directive 94/80CE. Si les citoyens européens peuvent voter pour le maire de Paris, pourquoi sont-ils exclus des élections municipales à Vienne ou à Berlin ? Les villes forment des réseaux, travaillent ensemble au sein du Comité des régions et ont un rôle européen croissant, et si certaines ont pu étendre le suffrage aux citoyens européens, la majorité ne l’a pas fait.
L’extension de la participation des citoyens européens aux élections nationales dans leur pays de résidence est à la fois une question de « pas d’impôts sans représentation » et de pratique démocratique qui rejoint la question de savoir qui détient le véritable pouvoir dans l’UE. Dans une enquête Eurobaromètre de 2020, 63 % de la population, et 77 % des moins de 25 ans, étaient favorables à une telle réforme. Des divergences d’un pays à l’autre ont été constatées, les citoyens des États membres du Sud y étant plus favorables que ceux du Nord, mais pas de divergences relevées en matière de niveau d’éducation ou de revenu. Dans son rapport sur la citoyenneté, la Commission souligne que « plusieurs États membres de l’UE privent également leurs ressortissants qui vivent dans d’autres pays du droit de vote aux élections parlementaires nationales » dans leur pays d’origine : il s’agit de Chypre, du Danemark, de l’Allemagne (après 25 ans de résidence à l’étranger), de l’Irlande et de Malte. Cela signifie que certains citoyens européens sont privés de leur droit de vote pour avoir profité de leur droit relatif à la liberté de circulation. La Commission s’engage à rappeler aux États membres concernés sa recommandation antérieure de mettre fin à cette situation. Mais sera-t-elle entendue cette fois-ci ? Une solution législative européenne aurait de meilleures chances de succès que des appels adressés à des États membres individuels. Il est paradoxal que les citoyens européens puissent voter dans leur pays de résidence pour les députés au Parlement européen, mais pas pour qui les représente au niveau du gouvernement. Ce déficit démocratique est devenu plus manifeste depuis que les gouvernements européens ont décidé d’un plan de relance en réponse à la pandémie, appelé Next Generation EU basé sur la mutualisation de la dette. Cela renforce certainement les arguments pour un Néerlandais qui souhaite voter à Rome et pour un Italien résidant à Amsterdam qui souhaite y voter.
Ici, la dimension européenne est encore plus apparente, ce qui rend l’exclusion des citoyens transfrontaliers difficile à justifier. La citoyenneté européenne a été créée en 1992 avec le traité de Maastricht : depuis lors, 63 des 121 référendums organisés dans les États de l’UE ont été directement liés à l’UE ou aux compétences partagées de l’UE. D’autres étaient liés à des choix moraux ou éthiques, et une minorité seulement à des questions d’organisation interne de l’État.
Lors du référendum de 2016 sur l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne, 3,7 millions de citoyens européens résidant au Royaume-Uni (à l’exception de ceux de Chypre et de Malte en tant que citoyens du Commonwealth) ont été exclus du vote, ainsi que 60 % des 1,3 million de citoyens du Royaume-Uni dans l’UE au motif qu’ils avaient quitté le pays depuis plus de 15 ans. La décision de quitter l’UE a été prise avec une majorité de plus d’un million de voix, mais le résultat aurait pu aller dans l’autre sens si les personnes les plus directement concernées avaient pu voter. Afin d’épargner à nos enfants de futurs Brexits, la liberté de circulation doit aller de pair avec les pleins droits politiques. La participation des citoyens européens aux référendums dans leur pays de résidence devrait être considérée comme un premier pas vers des référendums à l’échelle de l’UE qui pourraient certainement voir le jour.
Nous aurions aimé en demander plus, mais nous aurions risqué le rejet partiel ou complet de notre ICE, car elle n’aurait pas relevé de la compétence juridique de la Commission pour faire une proposition. Étendre le vote non seulement aux citoyens européens, mais également à tous les migrants en ferait un problème pour les gouvernements nationaux. Dans sa décision portant acceptation de notre ICE, la Commission souligne qu’il existe une base juridique pour un programme de recherche sur l’impact d’une européanisation plus générale des droits de vote et que l’UE peut fournir des mesures incitatives pour promouvoir l’intégration des ressortissants de pays tiers, à l’exclusion de toute harmonisation juridique. Quelque 20 millions de ressortissants de pays tiers qui sont en séjour régulier dans l’UE ne peuvent même pas signer cette ICE, car ce droit est limité aux citoyens européens, même s’ils peuvent adresser une pétition au Parlement européen.
Compte tenu des restrictions juridiques quant à l’action de l’UE, le groupe de travail et ceux qui peuvent signer l’ICE devraient indiquer aux gouvernements nationaux et aux partis politiques pourquoi il est souhaitable d’étendre le droit de vote à tous les migrants :
- La citoyenneté européenne devrait être élaborée tout en comblant autant que possible l’écart entre les 13 millions de citoyens européens vivant dans un autre État membre et les 20 millions de ressortissants de pays tiers. Tous ceux qui paient leurs impôts et envoient leurs enfants dans les mêmes écoles qu’ils soient ressortissants de cet État ou viennent d’ailleurs devraient avoir les mêmes droits.
- La privation du droit de vote des ressortissants de pays tiers est tout aussi inacceptable que celle des citoyens européens dans une Union européenne fondée sur des valeurs communes de démocratie et d’État de droit. L’UE a une Charte des droits fondamentaux et ouvre des négociations avec le Conseil de l’Europe pour signer la Convention européenne des droits de l’homme.
- Le suffrage universel pour tous les migrants peut contribuer à la fois à leur intégration dans la société d’accueil et à la bonne représentation de leurs intérêts. Lier suffrage universel et mobilité peut lutter efficacement contre le racisme et la xénophobie.
H. POURQUOI DEVRAIS-JE SIGNER CETTE ICE ?
Si vous êtes un citoyen européen mobile, l’un des 13 millions, vous avez un intérêt immédiat à ce que vos droits soient mieux représentés. Au début de la pandémie, la liberté de circulation a été mise de côté par les fermetures unilatérales des frontières nationales. Depuis lors, il y a eu des tentatives pour coordonner et représenter les préoccupations des citoyens européens. Cependant, pendant trop longtemps, on s’est appuyé sur les droits européens et leur protection juridique et pas assez sur le vote et l’éligibilité aux élections pour influencer le discours politique. La liberté de circulation est l’accomplissement le plus populaire de l’UE, mais le Brexit est là pour nous rappeler qu’elle ne peut être tenue pour acquise et qu’elle reste vulnérable. Il est donc urgent de défendre la liberté de circulation avec des pleins droits politiques.
Par votre signature, vous contribuerez à une autre Europe basée sur la valeur partagée du suffrage universel. Vivre ensemble en Europe nécessite des propositions comme celle-ci qui à la fois mettent en oeuvre un droit fondamental et favorisent l’émergence d’une sphère publique européenne. Notre revendication pour des pleins droits politiques pour les citoyens européens mobiles profite à tous les citoyens européens, car elle rendra la politique moins nationaliste en obligeant les partis politiques à prendre en compte les personnes d’autres pays et à inclure leurs représentants comme candidats.
D’autres réformes sont nécessaires, comme l’instauration de listes européennes pour l’élection au Parlement européen avec un candidat principal à la présidence de la Commission européenne. En signant cette ICE, vous soutiendrez les revendications que les droits de vote et d’autres réformes soient mis l’ordre du jour de la Conférence sur l’avenir de l’Europe. Il est urgent de signer, car les préparatifs sont en cours et la Conférence commencera avant l’été 2021.
Enfin, si vous croyez au potentiel des ICE pour définir l’agenda européen et rassembler les gens au-delà des frontières dans une démocratie participative plus européenne, vous devriez signer Électeurs sans frontières. Notre ICE améliore les chances pour toutes les ICE d’être suivies dans une démocratie représentative plus européenne.